ADN photo
Lorsqu’on évoque avec les bramais ce qui les a marqués dans la vie culturelle locale ces dernières années, avant même l’ouverture des essar[t]s, les expositions photo consacrées à Agusti Centelles, Willy Ronis et André Kertesz reviennent invariablement dans la conversation.
Tant mieux ! Car le cheminement qui a conduit au projet culturel des essar[t]s suit invariablement deux lignes fortes : la consultation des bramais menée en 2009 pour servir de socle au projet … et les expos photos réalisées dans le cadre de la saison « vivre! la culture ».
En effet, les bramais aiment la photo. Ils l’ont montré en venant nombreux (comme tant d’autres venant de plus loin) découvrir les expositions tenues dans les murs d’Ebvromagvs en 2009/2010, 2011 et 2012. Retour sur ces trois expos qui ont marqué la vie culturelle locale et amorcé la programmation des essar[t]s avec un fort « ADN photographique ».
Agusti Centelles, camp de Bram, 1939 (novembre-decembre 2009)
C’est par là que tout a commencé. Le premier contact avec le Jeu de Paume pour organiser, à Bram et pour la première fois, une expo photo d’envergure nationale à partir des oeuvres d’Agusti Centelles, célèbre photo-reporter catalan témoin et acteur de la guerre civile puis enfermé au camp de Bram en 1939.
Accueillir les photos de Centelles à Bram était le premier signe fort du sens donné à la programmation culturelle par la ville. Un événement qui parle aux bramais de leur histoire, mais à cette occasion la découverte de la force et de la beauté de la photo, y compris dans des circonstances aussi tragiques. La souffrance et le témoignage mais aussi l’espoir et l’humanisme qui transpirent de cette exposition ont touché les bramais car c’est encore une histoire étonnante que cette « autre » valise de négatifs restée cachée à Carcassonne jusqu’à la mort de Franco et que Centelles viendra récupérer en 1976, plus de 32 ans après.
Avec la participation des associations de réfugiés espagnols, les témoignages de compagnons de résistance de Centelles, la présence de la famille Degeilh qui a conservé les négatifs du photographe et surtout ses deux fils Sergi et Octavi Centelles, l’événement va au-delà de la seule exposition : le travail du service éducatif s’est poursuivi avec les écoles et le collège sur le contexte historique mais aussi sur l’histoire et le rôle de la photo dans les guerres. L’occasion de prolonger les images par la réflexion et le débat.
Ainsi témoignait Sergi Centelles avant l’inauguration, lors de la visite avec Laurent Vézinhet du mémorial et du site de l’ancien camp : « Dans ma mémoire, Bram était jusqu’ici associée à la souffrance et à l’arbitraire qui avait privé mon père de sa liberté et de sa dignité. Aujourd’hui je découvre le travail de mémoire et la mise en lumière de la réalité passée et je suis reconnaissant aux habitants de cette ville de conserver intacte la trace des souffrances et de cette période douloureuse pour nos parents. Et à travers les oeuvres de mon père, montrer aux générations futures que la beauté de l’image et le talent de l’artiste peuvent servir à perpétuer la mémoire ».
Willy Ronis, temoin d’un siecle (novembre-decembre 2011)
Après le succès de l’expo Centelles vient rapidement la demande de nombreux bramais de ne pas en rester là. Malgré la difficulté de réaliser des expositions de grande ampleur à Ebvormagvs, la ville décide de renouveler son partenariat avec le Jeu de Paume et cette fois-ci choisit le grand photographe Willy Ronis pour le proposer à la découverte des bramais.
Et c’est un succès sans précédent : plus de 4.000 visiteurs viendront découvrir pendant un mois et demi la sélection d’oeuvres opérée parmi la riche collection des tirages de Ronis l’humaniste.
A travers ses photos les plus engagées du Front populaire ou des grandes grèves, ou encore de la condition ouvrière dans les mines ou les aciéries, Ronis nous ouvre les yeux et nous séduit, mais toujours dans la sincérité et sans artifice : en tout cas, il ne nous laisse jamais indifférent : tantôt poète, tantôt militant, il fixe la Provence aussi talentueusement qu’il immortalise Rose Zehner dans la puissance de ses convictions. Une « poétique de l’engagement » comme l’a si bien décrit Marta Gili directrice du Jeu de Paume.
Ici encore, avec cette exposition qui retentit bien au-delà de Bram, s’illustre la volonté de proposer des événements de qualité mais qui résonnent surtout dans le coeur des bramais et les attire vers la découverte.
André Kertész, ma France (novembre 2012-janvier 2013)
Une si belle réussite cette expo Willy Ronis que les bramais en demandent toujours plus ! Si la ville comptait conserver le rythme bisannuel, donc ne proposer un nouvel événement qu’avec l’ouverture des essar[t]s, le public ne l’entend pas ainsi. Retour donc au fort de Saint-Cyr pour Laurent Vézinhet et la commission culturelle pour finaliser l’expo d’un autre grand de l’histoire de la photo : André Kertész. Il est de ces photographes qui ont forgé la modernité photographique au sein des avant-garde européennes des années 1920.
Mais la vraie patte de Kertész, c’est cette capacité à garder tout sa vie une indépendance et une singularité qui font de lui presque un marginal comme le décrivait le commissaire de l’exposition. Mais c’est Henri Cartier-Bresson qui donne en quelques mots une idée de l’importance de Kertész dans l’histoire de la photo : « à chaque fois que Kertész déclenche, je sens mon coeur battre » écrivait-il ainsi pour saluer le talent et l’originalité de celui qui se décrivait pourtant comme un éternel amateur.
En tout cas les bramais ne s’y sont pas trompés qui ont une nouvelle fois – mais la dernière fois à Ebvromagvs – visité nombreux la sélection de tirages issus de la période française du photographe.
Avec la promesse faite de perpétuer cette série d’événements autour de la photographie, les essar[t]s ont la passionnante tâche depuis mars 2014 d’écrire la suite des monographies d’artistes qui ont marqué l’histoire de ce mode d’expression artistique à la fois si proche et si singulier. Et Robert Capa fut sans conteste dans la lignée de ces événements de qualité.
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