Samedi 15 Juillet, le souvenir et l’émotion étaient au rendez-vous lors de l’inauguration du « Parvis de la Laïcité » et la cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme, qui intervenaient tout juste un an après le terrible attentat de la Promenade des Anglais à Nice, ayant ôté la vie à 86 personnes, dont 6 membres de la famille des bramais Gisèle et Germain Lyon.

En présence de M. le Préfet de l’Aude et des familles des victimes, un long moment d’hommage et de recueillement, auquel se sont associées plusieurs centaines de bramais, a été observé devant la Mairie ainsi qu’au Monument Aux Morts

Discours prononcé par Claudie Méjean, Maire de Bram, lors de cette cérémonie :

Monsieur le Préfet,

 

Monsieur le Président du Conseil Départemental,

 

Sylvie, Christelle, Christophe Lyon, famille et amis,

 

Mesdames et messieurs en vos grades et qualités,

 

Chers amis,

 

Nous sommes réunis en nombre aujourd’hui pour un moment de recueillement, de souvenir et d’hommage. Il y a un an, 86 personnes perdaient la vie sur la promenade des anglais.

 

Une famille bramaise a été touchée par cette tragédie et c’est toute la ville de Bram qui fut alors marquée au plus profond de sa chair. Nous étions tous rassemblés ici-même pour dire à la fois notre effroi mais aussi notre espoir. Plus de 1000 personnes, citoyens anonymes, avaient répondu présents à l’appel de la République.

 

Il n’était pas possible d’en rester là.

 

Avec Christelle, Sylvie et Christophe, nous avons voulu un lieu de mémoire. Ce lieu ne pouvait être anodin et ne pouvait se situer ailleurs que là même où nous nous étions rassemblés. Ici, au pied de la maison commune. Au pied du lieu porteur des valeurs de la République. La vague d’attentats qui a secoué la France a largement contribué à raviver les passions autour de la laïcité et avec elles la tentation du repli sur soi, et identitaire ou communautaire.

 

Dans son discours de Castres, le 30 juillet 1904, Jean Jaurès déclarait que « démocratie et laïcité sont deux termes identiques ». La constitution de 1946 puis celle de 1958 affirmeront ces principes, dès le premier article : « la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

 

Le caractère laïque de la République découle à la fois du principe de la liberté de croyance et du principe d’égalité des citoyens devant la loi et implique la séparation des Églises et de l’État. La loi de 1905 a proclamé une république dans laquelle toutes les religions sont égales, en droits et en devoirs. Aucune religion n’a ainsi de statut privilégié au sein de la République et chaque individu dispose de la liberté de ses opinions et de sa foi.

 

Henri Peña Ruiz disait que « la laïcité n’est pas un particularisme accidentel de l’histoire de France, elle constitue une conquête à préserver et à promouvoir, de portée universelle ».

 

La laïcité se devait donc d’être promue, préservée en trouvant une place de choix près de la mairie porteuse de la devise de la République : liberté, égalité, fraternité. Notre devise ne peut aujourd’hui exister pleinement sans lui adjoindre l’essentielle laïcité. A Bram, demain et pour les temps à venir, notre devise sera donc complète.

 

Je me dois de remercier ceux qui ont contribué à la réalisation de ce projet : le cabinet INDIS pour la Maîtrise d’œuvre et les entreprises COLAS et AUDE TP pour les travaux de voirie et la réalisation de l’Espace Public. L’Etat, au travers d’une participation financière pour la phase 2 de la réhabilitation de la Mairie a largement contribué et nous vous en remercions Monsieur le Préfet. Nous savons que l’Etat est toujours attentif à la mise en œuvre de ce type de projets.

 

Ce « parvis de la laïcité » devait être un lieu fort de symbole et de mémoire. Sous les drapeaux de la République, nous avons découvert tout à l’heure une sculpture et un dessin qui représentent Marianne, allégorie de la liberté.

 

J’ai fait appel à un jeune artiste du nom de Benjamin Regnier (il doit être excusé car c’est son anniversaire) Il est étudiant en stylisme à Lyon. Il a ému la France entière au lendemain des attentats de Charlie Hebdo avec un dessin : une Marianne en pleurs. Il y a quelques mois je l’ai contacté et lui ai fait une demande particulière après lui avoir raconté notre histoire, la tragédie de ce 14 juillet 2016. Je lui ai demandé de créer, pour Bram, pour la famille Lyon, pour le parvis de la laïcité, pour nous tous, citoyens et citoyennes, une Marianne porteuse d’espoir. En quelques traits il a réussi à tracer la beauté de notre nation, un regard lointain et courageux, une chevelure portée par les vents, une allure fière et solennelle. Merci Benjamin d’avoir relevé ce beau défi. Merci de contribuer à nous donner l’envie d’un monde meilleur empreint de fraternité.

 

J’ai ensuite confié à Raymond Garcia, notre tailleur de pierre bramais, la lourde tâche de reproduire cette belle Marianne sur un bloc de pierre. Une pierre brute de laquelle émerge le portrait. Raymond, ce challenge était extrêmement difficile et je veux te remercier pour l’engagement et le temps passé à graver, avec le cœur, ce portrait porteur de tant de symboles.

 

J’ai la profonde conviction qu’on ne naît pas citoyen, qu’on le devient. C’est la raison pour laquelle est installée dans la salle Jacques Cambolive une exposition intitulée « Je dessine » prêtée par Canopé. N’hésitez pas à entrer et regarder ces dessins, forts de nos convictions que nos enfants sauront s’unir autour de nos valeurs républicaines qui seront demain leurs seules armes efficaces face à l’obscurantisme.

 

Car c’est bien cela que l’on vise. En s’attaquant à la France, pays des droits de l’homme et de la laïcité par excellence. C’est bien cela qu’ils visent, ces fous qui, au nom d’une religion élevée contre les « mécréants », tuent, assassinent, arrachent à la vie des innocentes victimes.

 

Gisèle, Germain, Michaël, Véronique, Christiane et François sont ces victimes innocentes. Ils ne demandaient qu’à profiter d’une belle soirée d’été sur la promenade des anglais. La ils ont croisé l’horreur, la folie meurtrière d’un homme, d’un barbare. Leurs noms sont gravés à jamais sur la stèle dévoilée tout à l’heure pour ne pas oublier, pour qu’ils ne soient pas morts pour rien.

 

Gisèle et Germain étaient bramais. Ils étaient connus et estimés dans notre ville comme en a témoigné le grand rassemblement au lendemain de l’attentat. Serviables, souriants, aimables, ouverts aux autres, Gisèle et Germain manquent beaucoup à ceux qui les ont connus. Notre ville a revêtu un voile de tristesse et de colère que nous avons décidé de transformer en combat. Combat pour dire notre envie de vivre à l’opposé des assignations identitaires et des visions étriquées de l’autre et du monde.

 

Pour Gisèle, Germain, Véronique, Michaël, Christiane et François, pour toutes ces innocentes victimes je vous demande de porter l’espoir. L’espoir que nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de tolérance soient plus fortes que tout. Plus fortes que l’obscurantisme, le repli sur soi et le communautarisme. Qu’elles nous permettent de nous unir sur l’essentiel : le respect mutuel, la tolérance et l’humanité.

 

Discours prononcé par Alain Thirion, Préfet de l’Aude, lors de cette cérémonie :

Madame le Maire de Bram,

 

Monsieur le président du Conseil Départemental

 

Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités

 

Mesdames et Messieurs, famille et proches de la famille Lyon

 

Mesdames et Messieurs

 

Les inaugurations sont toujours des moments émouvants, différents selon les endroits, les élus, les territoires et l’action des hommes au service des autres.

 

Elles témoignent de l’engagement des élus au service de leurs concitoyens.

 

Inauguration après inauguration, pierre après pierre, ils construisent cette maison commune, cette casa communa, communauté où chacun se retrouve en tant que citoyen.

 

Les bâtisseurs de l’avenir, les maçons de la République, ils sont là, à chaque fois, sans jamais défaillir et Bram, avec les efforts pour sa Mairie, l’aménagement de son cœur de village, la restauration de son école maternelle, bientôt accessible à tous, je ne les cite pas toutes, il y a eu 13 opérations en 7 ans. Je peux vous dire, se sont de grands ouvriers de la République, en quelque sorte, nos meilleurs ouvriers de France.

 

Et je tiens à leur rendre hommage et à travers eux, aux milliers d’élus qui ne comptent ni leur énergie ni leurs heures pour les bienfaits de leur collectivité. Mais en ce jour, l’inauguration est singulière. Plus qu’une inauguration, c’est aussi un recueillement et une commémoration.

 

Il y a un an en effet, jour de notre fête nationale, un attentat a eu lieu. 86 personnes ont été assassinées et 458 blessés dans leur corps et dans leur âme. Parmi ces personnes disparues se trouvent Gisèle et Germain LYON, mais aussi François, Christiane, Véronique et Mickaël, et tant d’autres personnes qui ne demandaient qu’à vivre librement et en paix.

 

Ce fut une tragédie pour ces innocents, pour notre République, comme une cicatrice sur un corps, une brûlure. C’est aujourd’hui encore un crime, et je le dis un outrage.

 

Car la blessure reste visible, sensible. La cérémonie d’aujourd’hui vise à marquer que nous n’oublierons pas, que la République blessée, meurtrie, sait et doit se défendre en s’appuyant sur son énergie et en montrant combien ses valeurs universelles demeurent au service de l’humanité et qu’elles sont irréversibles.

 

Aux familles des victimes, je dis simplement, « nous sommes là », citoyens, élus, chacun conscient de ses responsabilités, à vos côtés, comme des amis. Je mesure votre peine et votre dignité. Votre courage est la plus belle lumière de l’adversité pour plagier VAUVENARGUES.

 

C’est pourquoi, j’interviens ce jour, certes en tant que Préfet, c’est-à-dire le représentant d’un État Républicain et Démocratique. Mais aussi en tant que citoyen et père qui sait, comme TERENCE aurait à le dire « je ne suis qu’un homme, et rien de ce qui touche un homme ne m’est étranger ».

 

Tous ensemble, en ce soir, nous sommes rassemblés pour un moment fort à la charge émotionnelle et symbolique évidente. Nous nous regroupons en ce lieu et nous nous retrouvons comme des résistants à la barbarie, mais aussi les combattants de la liberté.

 

Le rôle de la mémoire est de transmettre de génération en génération le souvenir, le souvenir de ces innocents tués par la barbarie. Ces monuments sont là pour nous rappeler ce qui s’est passé : ils témoignent des qualités des chers disparus et mettent en exergue des valeurs, autant que des souffrances qui s’attachent à notre pays, à son histoire, à la terre des hommes.

 

S’attaquer à la France le jour de sa fête nationale est bien sûr symbolique. La France, ce pays de libertés où chacun peut croire et pratiquer sa religion, la France ce pays laïc a été attaqué parce que pays de libertés, de tolérance et du respect d’autrui et parce qu’il porte ce symbole, fièrement, comme l’étendard de sa foi dans le progrès qui le mobilise.

 

Le 9 décembre 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État fut adoptée. Cette loi d’équilibre saluée comme telle par Anatole FRANCE fut portée par Aristide BRIAND. Loi simple, sobre et définitive : la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. Mais la République assure la liberté de conscience. Par cela, l’État garantit à chacun sa liberté, liberté si chère à notre Nation, liberté dont les lettres sont gravées sur le fronton de cette Mairie, liberté dont les lettres sont gravées sur les frontons de toutes les Mairies de France.

 

Inaugurer un parvis de la laïcité ici, devant la Mairie est donc logique voire naturel. La Mairie symbolise, dans nos communes, la Nation unifiée. La laïcité qui découle de la République a donc sa place tout près de ce symbole, face à ces lettres qui inscrivent dans la pierre notre devise et nos valeurs : Liberté, Égalité, Fraternité, ainsi que face à notre drapeau qui flotte fièrement dans les airs, et dont chaque couleur d’une part égale représente l’union de toutes les catégories de Français dans leurs diversités.

 

La France est une République laïque comme d’ailleurs la Constitution de 1958, notre loi fondamentale, l’a reconnue. De cela découle sa neutralité. L’État est neutre dans les affaires religieuses. Cela paraît simple aujourd’hui, encore que peu de pays au monde y compris en Europe le reconnaissent. Porter nos valeurs de Liberté, d’Égalité et de Fraternité en restant neutre est chose encore rare et toujours difficile.

 

Être neutre ne veut pas dire que l’on nie le fait religieux ou qu’on le minimise. Être neutre signifie qu’il faut traiter de façon égale les différentes religions ; réagir de la même façon quand nous sommes confrontés à des situations semblables ; ne pas devenir discriminant quand vous êtes juifs ou protestants ; ne fermer aucune porte à condition de ne pas troubler l’ordre public et de respecter nos lois. Et ces lois sont plus sacralisées encore parce qu’elles sont au service de tous, sans exclusion.

 

La neutralité religieuse c’est autoriser à croire la religion que l’on veut, y compris le droit de ne pas croire; c’est refuser de placer l’une d’elle comme prépondérante ; refuser aussi qu’un dogme soit véhiculé par les institutions et qu’il se retrouve dans l’action publique.

 

Quelle évidence pour nous. Et pourtant et pourtant. Oublions-nous qu’on a enterré le Maréchal de Saxe en Alsace, loin de son pays, hors des terres de France car il était protestant ?

 

Oublions-nous que la prière publique à l’Assemblée en début de séance était encore obligatoire en 1879 ? c’est-à-dire il y a moins de 140 ans.

 

Oublions-nous que les Prélats ou les Évêques étaient encore des salariés de l’État il y a 115 ans ?

 

Ce message de neutralité est un message de liberté et de respect de l’individu dans sa sphère privée. Ce beau message d’humanisme que porte la France à travers le Monde, et qui véhicule les valeurs françaises a pourtant un ennemi.

 

Nous connaissons cet ennemi, c’est la haine; celle qui tue à Bamako, à Tunis, à Palmyre, à Copenhague, à Paris, à Nice et qui a tué aussi et encore à Londres ou à Madrid. L’ennemi, c’est le fanatisme qui veut soumettre l’homme à un ordre inhumain, c’est l’obscurantisme. Cet ennemi nous le vaincrons ensemble, avec nos forces, celles de la République, avec nos armes, celles de la démocratie, avec nos institutions, avec le droit.

 

Toute la République fut touchée par ces attentats. C’est la Nation toute entière qui fut touchée. Ceux qui sont tombés le 14 juillet étaient des enfants de France, ils étaient la France, cette France généreuse, enthousiaste et volontaire, celle que nous aimons.

 

C’est en nous rappelant leur visage, leur nom, mais aussi leurs espoirs, leurs joies, leurs rêves anéantis, que nous agissons, que nous agissons aujourd’hui, un an après.

 

La France a été endeuillée, mais elle reste ardente. Elle lutte oui, elle lutte parce que rien n’est jamais acquis, parce que la République doit se défendre, parce que nous le lui devons, parce que nous le leur devons.

 

C’est un devoir de l’État d’assurer la sécurité de ses citoyens. C’est une exigence de la société que de se savoir protégée. Et cette exigence est légitime, et nous nous y attelons avec ardeur et célérité.

 

Dans cette mission, nous pouvons compter sur nos militaires, engagés sur des opérations difficiles, tant sur le territoire qu’à l’étranger. Nous pouvons compter sur nos policiers, nos gendarmes, nos douaniers, nos magistrats et tous les fonctionnaires qui agissent chaque jour de façon admirable, je l’ai mesuré sur le terrain. Nous pouvons compter sur les maires et sur vous tous.

 

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. » disait Benjamin FRANKLIN.

 

Mais nous ne sacrifions ni l’une ni l’autre, c’est pour cela que le juge, dans cette période, conserve sa mission majeure de garant des libertés.

 

Cette épreuve nous a tous meurtris, les familles d’abord, les Français ensuite, quelles que soient leurs conditions, leurs confessions, leurs origines.

 

Mais elle nous rend plus exigeants, plus ardents. Et si certains ne peuvent oublier que plusieurs de ces monstres encore sanguinolents ont parfois été élevés et nourris par notre République, ces événements nous rappellent combien nos écoles, nos institutions doivent redoubler d’efforts pour en faire des citoyens modèles, égaux devant le droit, à part entière dans notre société.

 

La jeune génération a été marquée par ces attentats, comme les anciennes générations le furent par l’atrocité des guerres. Ils ont découvert avec horreur la dureté du monde et la barbarie qu’il peut contenir.

 

Mais face à ces évènements, la France est restée debout, digne et forte. La France de demain, la jeunesse actuelle a fait preuve de courage, comme avaient fait leurs aïeuls par le passé. La liberté ne demande pas à être vengée, mais à être servie.

 

Cette génération l’a bien compris, sachant se montrer la fidèle héritière de celles qui depuis les soldats de l’an II ont su renforcer notre république et devenir comme le proclamait CLEMENCEAU « les soldats de l’humanité », pour ce monde de progrès auquel nous travaillons pour nos enfants, parce que nous sommes fiers d’eux et parce que nous espérons qu’ils soient toujours fiers de nous.

 

Le parvis est l’espace ouvert devant l’entrée d’une Église où on rendait la justice. Ce mot vient du mot latin « paradisum », le paradis. Le symbole d’aujourd’hui et sa portée ne les réunissent-ils pas à ces deux origines ? La justice et le paradis ?

 

Renforçant sans doute, certainement même, sereinement la mission qui revient à tous et qu’aurait expliqué Pablo NERUDA, le grand poète chilien, prix Nobel de littérature, quand il nota dans ses mémoires que « seule une ardente patience pourra conquérir la splendide ville qui donnera la lumière de la justice et de la dignité à tous les hommes ».

 

Je vous remercie.